
Mes œuvres baignent de lumière où formes abstraites
représentent un urbanisme levantin irradié de couleurs.
Mes œuvres baignent de lumière où formes abstraites
représentent un urbanisme levantin irradié de couleurs.
Dialogue ouvert…
Si l’art a une histoire, c’est qu’il est ancré dans le temps. Mais lorsqu’il échappe à l’instant, il devient immortel, il se mue en grand art. Il devient alors mémoire, comme avec Mireille Goguikian, mémoire collective ! Ce rapport entre le génie du moment créateur et le mystère de la beauté éternelle n’appartient pas aux communs des mortels. Qui d’autres que d’heureux élus peuvent ainsi s’aventurer pour créer leur moment à eux, leur temps à eux, leur histoire désincarnée ?
Mireille Goguikian, artiste peintre élue au temple des arts plastiques à travers cinquante expositions privées et collectives a depuis plus d’un quart de siècle fait son choix. Elle ne subit pas la modernité mais l’invente, n’obéit pas aux règles mais les impose. Elle convoque le beau pour l’inonder de lumière, les couleurs pour leur donner vie, les formes pour les faire danser, les collages pour les faire chanter, l’ensemble dans une harmonie musicale qui vagabonde au gré d’un rythme rebelle aux notes éclatantes de feux et de flammes.
Si l’art a une géographie, c’est que l’artiste appartient à l’espace. Mais cette identité bien trempée rappelle le lien qu’entretient Mireille avec un Orient éclaté mais recollé dans ses tableaux, dans un cubisme qui se mue en impressionnisme ou collage avant de courir vers l’espace extra-terrestre où l’infiniment petit rencontre l’infiniment grand. C’est dans cette tension entre les extrêmes que ses lignes échappent à tout cadre spatial, pour pénétrer le cœur de l’humanité, et réaliser ainsi, dans un appel permanent, l’unité des contraires.
Les choses et les personnes se complètent ainsi comme les paysages et les objets, dans un dialogue ouvert, où le but est la promenade dans les jardins suspendus à des points invisibles pour les non-initiés. Et comme dans tout dialogue réussi, la transparence invite l’observateur à s’engager dans son arène, l’empathie prend toutes les couleurs sans complexe, et l’innovation ou l’improvisation s’associent pour rappeler que le chemin le plus proche aux âmes est un tracé de ligne droite… Plus qu’un talent, nous sommes devant un don, un devenir sans cesse renouvelé, une artiste accomplie dans un art inachevé, car son projet est la plénitude.. pour notre plus grand bonheur !
Sélim el Sayegh
Mireille Goguikian construit des mondes et des couleurs peu ordinaires. Elle affirme ne pas aimer les feux de la rampe, pas même pour cette rétrospective de 25ème année de sa création artistique. Les après midi, Mireille rentre dans son univers second : il est rêve de couleurs, de formes, souvent répétées, habillées de maisons pointues au point de se bousculer la toile et ses limites. Lorsqu’on l’interroge, Mireille, comme elle aime qu’on l’appelle, répond en invoquant : tantôt le rouge arménien, tantôt l’étouffement des villes et du béton. Je la soupçonne de trouver dans la répétition une thérapie, un leitmotiv, une rencontre avec celle qu’elle aurait souhaité être : une femme apaisée. La sérénité vaut bien un séjour en solitude. Sollicitude en couleurs, le rouge notamment :
« Mon premier rouge, écrit-elle, fit pousser de grands cris. J’avais rêvé d’une toile rouge cette nuit là, l’exécutai le lendemain et pensai au fond de moi-même que personne n’oserait l’accrocher. A ma grande surprise le rouge connut un franc succès. Rouge carmin, grenadine, écarlate, etc. Ils sont à mes yeux la souffrance d’un peuple… Mon Arménie racontée et pixélisée à travers les clusters de mes souvenirs. L’Arménie que je chante au travers de mes rouges et que je n’ai pas encore visitée. »
De nombreux peintres se sont répétés à l’envie, soit en peignant, comme Mireille, au couteau, avec de larges aplats de couleurs ; soit en accolant les maisons intrigantes avec des personnages de fantaisie. Certains grands peintres aiment barbouiller avant de se chercher, de se trouver dans l’ordre des colonnes de couleurs ; je pense aussi à Antonio SEGUI, l’argentin, qui a recomposé des villes entières autour du chapeau introuvable de ses personnages caricaturaux. Plus près de nous certains peintres libanais, et non des moindres, eux aussi découvrent, à leur façon, un peu tardivement il est vrai, les vertus des lignes de couleurs, chargées de personnages désuets.
C’est à cela aussi la création artistique. Chanter, peindre, photographier, composer, imaginer, écrire, c’est le même poème qui est inventé. Peu importe le support, la note de musique, on se cherche éperdument, là où la paix choisit son camp. On ne change pas; on se retrouve pour s’accepter. Toute création est une. L’être est indivisible; il n’y a pas de tête et de cœur, il n’y a pas de passé ou d’avenir, tout est présent, c’est-à-dire vécu. Le reste est un horizon ample où l’esprit se complait à loger, au coin d’une idée fugace.
Parfois, nait une création extraordinaire. Dans certaines toiles de Mireille, on ne regarde plus l’objet peint, des villes et des maisons superposées, mais on voit à travers la couleur, on vit avec la toile, elle sculpte votre regard, elle vous suggère une envolée. Plus vous pouvez vivre avec votre regard ainsi porté par la toile, plus le peintre a réussi à vous séduire, c’est-à-dire à vous pénétrer, à vous emporter. Aimer l’art, c’est donc une forme d’acte de survie, un au-delà présent, pour accepter le présent.
« Peindre, c’est ma vie, la passion que je respire à travers mes couleurs. Une séance de peinture est une communication avec l’au-delà, je peins en écoutant des cantiques. Ressentant la force de Dieu qui tient ma main à chaque coup de couteau, chaque vibration est un cri de souffrance ou d’extase. Peindre et repeindre la ville pour moi sont un cri, je l’invente et la chante. La nuit en silence, cette ville engloutie de béton où la rencontre d’un arbre intrigue et émerveille. Mon soleil rouge de sang, bleu d’espoir, jaune de chaleur ne me quitte pas. La ville, le port, Venise et ses gondoles m’embarquent au loin fuyant le quotidien. Car derrière chaque maison se cache un jardin secret. J’aime travailler le pastel velours, k pastel gras, combiner les collages au mixed media, j’aime la matière que je sens, l’odeur de l’huile et la térébenthine qui m’enchantent. Monde bariolé, frais, riant et regorgeant de vie malgré le poids du quotidien. Etre artiste, épouse, mère enseignante n’est pas tâche facile. »
Quand on n’est pas critique d’art et qu’on ne saisit que ce l’on croit voir, on ne peut qu’évoquer le bonheur que la forme et la couleur construisent dans le creux de votre regard. Ceux que Mireille Goguikian offre, sauront séduire et combler les chercheurs d’or en couleur, et les nostalgiques d’une identité dans la création. Elle aura mérité les suffrages qui l’attendent. Et le bonheur qui guette votre regard ce soir !
S.E. IBRAHIM NAJJAR
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